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Journée d’étude « « Intervention, recherche-intervention, recherche interventionnelle » (14 décembre 2016)

  

Journée d’étude
« Intervention, recherche-intervention, recherche interventionnelle »

Le mercredi 14 décembre 2016, de 9h à 17h
Université de Tours, Site Tanneurs, Salle des actes (203)

Argumentaire

Le terme « d’intervention » et ses déclinaisons sont mobilisés de diverses manières dans les champs de la santé, de l’éducation, et de la recherche, et le mot (plutôt que le concept) constitue à ce titre un objet potentiel de réflexion pour les membres de l’équipe « Éducation, Éthique, Santé » et leurs partenaires. Terme plutôt que concept : car il semble d’abord difficile d’avancer, par exemple, que c’est à un même concept que renvoient les expressions « intervention chirurgicale » et « intervention communautaire » : c’est probablement plutôt un « noyau de sens » que l’on peut espérer découvrir derrière divers usages du terme.

Dans le champ éducatif, l’expression « intervention sociale » désigne, selon une catégorisation relativement floue, et en constante évolution, les formes d’action associées à un ensemble de métiers et de fonctions : autour de l’assistance sociale et de l’aide à la personne ; dans le domaine de l’éducation spécialisée et de la protection de l’enfance ; dans le champ de l’éducation populaire, notamment de l’animation socioculturelle ou de certaines formes de médiation ; plus récemment à propos de « l’intervention sociale d’intérêt collectif », une forme émergente qui résulte de l’appropriation progressive (et étonnamment tardive) en France de stratégies de développement communautaire théorisées et pratiquées depuis des décennies en Amérique latine et en Amérique du nord.

Il existe ainsi une très longue tradition de l’intervention sociale en Amérique du sud, notamment au Brésil, ancrée dans l’éducation populaire et la pédagogie critique de Freire. Les modèles de développement social communautaire nés, au Québec, de la « révolution tranquille » du travail social amènent de la même manière à privilégier des formes d’intervention qui visent le développement du pouvoir d’agir des personnes et des communautés.

Le terme « d’intervention » est mobilisé pour décrire diverses modalités de recherche, selon les cas pour évoquer un rapport au terrain (et les modalités spécifiques de ce rapport), ou pour désigner des manières spécifiques d’agir sur/pour/avec les sujets/acteurs/ patients/communautés. On parlera ainsi en sciences sociales, notamment en sciences de l’éducation, de « recherche-intervention », en santé publique de « recherche interventionnelle ».

« L’intervention » peut désigner un ensemble de démarches et de postures sans le champ très large de la « socio-clinique ». Dans certains cas l’intervention est une modalité de la recherche, que l’on définit par comparaison, sinon opposition, avec la « recherche-action » (ainsi dans le cas de la « recherche-intervention » évoquée plus haut). Dans d’autres cas la recherche est secondaire, et c’est avant tout l’entrée sur le terrain, la présence au sein des collectifs, la visée de transformation, que le terme d’intervention vient exprimer dans le cas d’une intervention qui peut être selon les cas « socianalytique », « institutionnelle », « psycho-sociologique ».

Ainsi, si « l’intervention » renvoie à des manières d’éduquer, de former, de transformer, de soigner, de prendre soin, de chercher, extrêmement variées, un noyau de sens au moins apparaît, qui réunit l’ensemble de l’équipe EES : celui de la « clinique », y compris dans ses formes collectives, référant à un ensemble de méthodes, postures, démarches impliquant d’être « au plus près » de sujets ou de collectifs, en poursuivant une visée transformatrice… que « transformer » signifie « guérir », « émanciper », « faire évoluer des habitudes d’action », « enseigner », etc. Dès lors qu’intervenir c’est chercher à transformer, l’intervention implique une dimension politique de l’action de l’éducateur, du soignant ou du chercheur, et à tout le moins suppose l’affirmation de préoccupations éthiques et relationnelles, dans des manières spécifiques d’associer dans une même réflexion et dans des projets d’action communs chercheurs, praticiens et acteurs/usagers.

Modalités, portée et visées de l’action cependant dépendent largement de la manière de définir, et d’envisager sur le terrain, une « intervention » qui porte potentiellement un ensemble de tensions ou de paradoxes. Intervenir c’est « venir entre », dans certains cas ainsi « s’immiscer », s’imposer, peut-être contre la volonté des sujets ou des communautés (l’intervention peut d’ailleurs être militaire) : c’est éventuellement « l’expert » qui intervient en adoptant une position surplombante… dans d’autres cas « venir entre » signifie faire « médiation », éventuellement se mettre au service du collectif, ainsi dans des formes d’accompagnement collectif dans lesquelles l’intervenant choisit une position « basse » pour se mettre au service de ceux qu’il accompagne… et de la même manière que l’intervention sociale peut être plus ou moins intrusive, l’intervention chirurgicale peut être plus ou moins invasive.

 

C’est ainsi un ensemble de questions politiques, éthiques, mais aussi épistémologiques et méthodologiques relatives à des situations, recherches, ou postures cliniques que permet de poser une délibération sur le terme d’« intervention ».

Programme Prévisionnel

9h00 Accueil

9h30 – « Intervention », Le mot et la choseLaurence Cornu, EES & Département des sciences de l’éducation, Univ. Tours

10h30 – Recherche interventionnelle en santéEmmanuel Rusch, EES & Faculté de médecine, Univ. Tours. Philippe Bertrand, EES & Faculté de médecine, Univ. Tours

14h00 – Recherche-intervention et recherche-action en sciences sociales. Lucília Machado, UNA, Belo Horizonte, Brésil. Marie-Hélène Doublet, CIBC Sud Aquitaine et université de Tours, Sébastien Pesce, EES & Département des sciences de l’éducation, Univ. Tours

 

Références
Ardoino, J. (1989). « De la clinique », Revue Réseaux, n°55-56-57, pp. 63-68.
Ardoino, J., Dubost, J., Lévy, A., Guattari, F., Lapassade, G., Lourau, R. & Mendel, G. (1980). L’intervention institutionnelle. Paris : Petite Bibliothèque Payot.
Argyris,  C.,  Putnam,  R.  &  McLain  Smith,  D.  (1985).  Action  science  :  Concepts, Methods and Skills for Research and Intervention. San Francisco : Jossey Bass
Bernardeau Moreau, D. (2014). « Sociologie d’intervention : historique et fondements »,Revue européenne des sciences sociales, 2014/2(52-2), pp. 191-220.
Beynier Dominique, « Les métiers de l’intervention sociale. Un champ de plus en plus difficile à délimiter», Informations sociales, 5/2006(133) , p. 38-45
Broussal, D., Ponté, P. & Bedin V. (éds.) (2015). Recherche-Intervention et Accompa- gnement du changement en éducation. Paris : L’Harmattan.
Dubasque, D., « L’intervention sociale d’intérêt collectif : un mode d’intervention en travail social pour retrouver le  sens du  vivre ensemble ?  »,  Informations sociales, 2/2009(152), p. 106-114
Dubost, J. (1987). L’intervention psychosociologique. Paris : PUF.
Fals-Borda, O. & Anisur Rahman, M. (1991). Action and Knowledge. Breaking the monopoly with participatory action-research. New York : The Apex Press.
Duchesne, C., & Leurebourd, R. (2012). « La recherche-intervention en formation des adultes : une démarche favorisant l’apprentissage transformateur », Recherches Quali- tatives, 31(2), pp. 3-24.
Marcel, J.-F. (éd.) (2015). La recherche-intervention par les sciences de l’éducation. Dijon : Educagri.
Monceau, G. (éd.) (2016). Enquêter ou intervenir. Effets de la recherche socio-clinique. Nîmes : Champ Social.
Monceau, G. (1996). « L’intervention socianalytique ». Pratiques de formation Ana- lyses, 32, « Socianalyse et ethnosociologie », pp. 25-38.

Contacts :
Matthieu BREMOND – bremondm@yahoo.com
Sébastien PESCE – sebastien.pesce@univ-tours.fr